lundi 14 mars 2011

Responsabilité sociale externe : Le cas de la société Alcan

Afin de compléter le billet du 17 février dernier « Responsabilité sociale : prise en compte des acteurs externes », je vous propose cette fois-ci de prendre un exemple concret de relation sociétale entre une entreprise et sa communauté externe afin de mettre en évidence plus simplement les enjeux de la responsabilité sociale.

                Ce billet est basé sur un article de recherche s’intitulant : « Les 3 C de la performance sociale organisationnelle (PSO) » (article disponible ici). L’exemple développé dans cette étude est d’autant plus intéressant qu’il se base sur une entreprise d’origine canadienne, Alcan (détenue depuis 2007 par Rio Tinto) dont un des complexes est implanté dans la collectivité régionale du Saguenay-Lac-Saint-Jean pour produire de l’aluminium première fusion.

Un bref historique est tout d’abord nécessaire pour comprendre le cas : le gouvernement du Québec a confié en 1926 le contrôle exclusif d’un gisement d’aluminium a la société Alcan et ce pour une période de 50 ans.  L’entreprise a en contrepartie comme seule obligation de désenclaver d’un point de vue économique cette région qui a, à l’époque des faits, a un fort taux de chômage. 

Dans un premier temps, l’entreprise prend comme habitude de régler les différends avec ses partenaires externes locaux en les achetant (contrats donnés à de petites sociétés locales, dons, entretiens de certains bâtiments communautaires…). En bref, l’entreprise achète littéralement la paix sociale et étend son réseau d’influence (implications dans les conseils d’administration, édition du journal de l’entreprise…). On peut donc parler de « ville-compagnie », comme mentionné dans l’article.

Ensuite, un premier changement intervient. La communauté devient plus réfractaire envers la société Alcan, pour des raisons entre autres politiques et sociales. La logique de la collectivité change. Dans les 70 c’est le développement des groupes environnementaux et des groupes d’extrême-gauche prônant la lutte des classes, ce qui va se traduire par plusieurs grèves…Les 2 acteurs sont en pleine confrontation.

Cette période de turbulence va finir par éclater en crise. A ce stade, les points de vue sont totalement divergents. La collectivité n’est plus du tout satisfaite et veut être traitée sur le même pied d’estale. Les politiques locales s’assurent de bien propager leur mécontentement. De son côté, la compagnie souhaite redéfinir les rôles et responsabilités de chacun.

Le passage de la période de crise à la phase d’élaboration d’un nouveau modèle de gouvernance s’appuie sur des concepts de rapprochement. L’entreprise suggère de mettre en place un certain nombre de partenariats, d’abord axé sur le développement durable. Cela va se traduire par le développement d’une société de création d’entreprises, la conciliation et le respect d’orientations économiques et écologiques des collectivités dans lesquelles la compagnie est établie. Des exercices basés sur le « brainstorming » sont mis en place par la société pour aider les différentes institutions régionales à mieux cerner leur mission...

Enfin, dans les années quatre-vingt-dix, la relation entre les deux acteurs prend une nouvelle envergure. Alcan, avant la construction d’un nouveau complexe effectue une consultation auprès du milieu. Cette démarche lui semble être la plus propice pour que son projet soit accepté d’un point de vue économique, environnemental et social. Des forums sont mis en place pour échanger sur les prérogatives de chacun. Des objectifs quantifiables sont fixés et de réels efforts de la part de la société témoignent de sa volonté de travailler de concert avec la communauté. Au final, Alcan n’est plus le seul acteur à détenir la gouvernance. Les représentants extérieurs occupent une place centrale. 

« Ensemble, ils assument la gouvernance. Cela suggère une lecture des relations « entreprise et société » moins orientée vers l’entreprise. Il y a une forme de déplacement des frontières. »

Je trouve ce cas très bien construit puisqu’il met en évidence les différentes étapes et mutations de la relation entre la compagnie Alcan et les autorités locales (la communauté). Au début, la relation est très paternaliste, la société s’occupant de tout, la communauté se laissait porter par celle-ci. Ensuite, les mœurs ont évolué et la communauté à souhaiter s’affranchir du joug de la compagnie Alcan, ce qui a abouti à une crise. Pour régler les conflits, Alcan a commencé à mieux répartir la richesse créé et s’est préoccupée des enjeux environnementaux pour que les générations futures ne subissent pas la surexploitation actuelle des ressources. Enfin, après s’être intéressée à l’environnemental, la société a développé un réel partenariat, qualifié de PaRTenalisme dans le texte.

Au final, l’entreprise par cette démarche n’a fait que pérenniser son implantation dans la région sans que cela se fasse au détriment de la rentabilité économique et financière de cette dernière. Au contraire, la communauté sera dans le futur certainement plus encline à accepter des projets émis par Alcan puisque ces acteurs externes seront réellement impliqués dans celui-ci.

« Ainsi, si l’entreprise répond aux demandes des autres acteurs (aspects esthétiques, retombées régionales, emplois, etc.) et qu’en échange, ces derniers se préoccupent d’efficacité, de qualité et de rentabilité, tous les partenaires impliqués participent à la performance sociale, sociétale et globale de l’arène de gouvernance. »

On peut affirmer pour conclure que l’entreprise Alcan a su faire preuve d’un niveau de responsabilité sociale important. Elle a su faire preuve de pro activité et ainsi développer un savoir-faire à l’échelle de la région qui possède indéniablement une valeur inestimable ! Beaucoup d’entreprises pourraient (et devraient) s’inspirer de la démarche d’Alcan pour améliorer leur impact sociétal, d’autant plus que la société évolue dans le secteur primaire, souvent sujet à des conflits environnementaux et sociaux. Espérons simplement que le rachat d’Alcan par la multinationale anglo-australienne Rio Tinto ne viendra compromettre cet équilibre et ainsi détruire tout le travail accompli par les différents acteurs pendant de longues années !

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